Boli (2009)

Terre crue, plâtre, bois et cire - Longueur : 67cm - Hauteur : 50cm - Largeur : 30cm - Collection de l'artiste
Terre crue, plâtre, bois et cire - Longueur : 67cm - Hauteur : 50cm - Largeur : 30cm - Collection de l'artiste
Détail
Détail

Cette oeuvre est un hommage aux Bamana et aux Bolis. Deux mots inconnus ? Alors lisez ce qui suit ...

 

L'éthnie des Bamana au Mali - Regroupant deux millions de personnes, l’ethnie des Bamana constitue le peuple le plus important en nombre au Mali. D'origine Mandé, ils ont aussi été appelés Bambara par les autres populations, nom adopté par les Français en 1898, mais les Bamana ne se sont jamais nommés de la sorte. Comme les Dogon, les Bamana ont résisté par le passé à l’islamisation (Bamana vient de Ban-mâna où ban signifie refus et mâna signifie maître, c'est-à-dire ceux qui ont refusé d'être dominés).

Les Bamana ont fondé une société sur le modèle patrilinéaire. Ils sont culturellement très proches des Malinké et des Soninké, ont une origine commune rattachée à l'empire de Ouagadou (ou Wagadu) et ont été politiquement liés aux pouvoirs de Ségou et de Kaarta (mi 17ème siècle – fin 19ème siècle). L'ethnie Bambara connut ainsi la splendeur au début du 17ème siècle, quand Kaladian Koulibary réunit un grand nombre de tribus affrontées pour fonder l'empire de Segou, en dominant toute la courbe du fleuve Niger. En 1940, des archéologues découvraient les traces de royaumes antérieurs et des figures en terre cuite que les tests de thermoluminescence ont permis de dater des environs de l'an mil. Ces terres cuites sont la preuve d'une longue tradition sculpturale ; les premières figures en bois dateraient du 14ème siècle. Au début du 20ème siècle, ils sont colonisés par les Français.

Les Bamana sont l'un des groupes les plus étudiés de l'Afrique de l'Ouest. Ils ont constamment noué des liens étroits avec leurs voisins par mariages, échanges commerciaux, alliances politiques et religion. Le triangle du pays Bamana divisé en deux parties par le fleuve Niger, comprend la majeure partie de l'ouest et du sud du Mali actuel. La grande masse des Bamana est répartie entre les régions de Ségou et de Niono (delta central nigérien), du Bélédougou (cercle de Kolokani au Nord de Bamako) limitrophe de la zone sahélienne, du Kaarta , à cheval sur les cercles de Kita, au Sud et de Nioro au Nord et les cercles de Koulikoro, Dioïla, Banamba, Bougouni, Yanfolila, Kolondiéba et Sikasso. Les Bamana sont répartis en régions qui comprennent les villages placés sous l'autorité d'une famille dont le chef, fama, représentant du fondateur, jouit de pouvoirs considérables. Il joue également un rôle primordial dans les rituels agraires.

 

La nuit est une obscurité, une obscurité qui n’est pas vide

– Paroles Bamana

 

Cosmogonie - Les Bamana croient en l'existence de forces spirituelles que mettent en action des individus capables de créer une atmosphère d'harmonie, de prospérité et de bien-être. Ils se sont également entourés d’une cosmologie très complexe. Après qu’il eut créé l’univers, Dieu créa au ciel le premier couple de jumeaux, Téliko, le cadet, et Nyakalen, l’aînée, et les instruisit de la nature intime des choses et des êtres. Dieu leur révéla également avoir crée l’univers par amour pour les Hommes. Nyakalen, accompagnée de son frère, finissent par s’échapper, sautent dans le vide cosmique et choient sur la Terre. Là ils se croient libres et se permettent toutes sortes de sacrilèges. Ils vont même jusqu’à se séparer, chacun partant à la recherche de plaisirs pervers et douloureux. Avec l’âge, ils en deviennent acariâtres et fous, d’où leur surnoms respectifs ‘Mousso Koroni’ et ‘Keni’ : ‘petite vieille femme’ et ‘petit vieil homme’ indignes. Après tant de blasphèmes et de luxure, les deux jumeaux primordiaux moururent noyés dans les eaux du déluge. Dieu entreprend alors un second couple de jumeaux, Farô, symbole de la plénitude corporelle et spirituelle de la femme, et Bèmba, incarnation de l’homme idéal. Dieu leur donne pour mission de servir de modèles aux Hommes et de leur montrer la voie qui les mènera à lui. Après avoir sacrifié un mouton pour purifier l’univers des méfaits du premier couple de jumeaux, Dieu envoie Farô et Bèmba sur Terre grâce à l’arche du monde. Tous les êtres qui, plus tard, écoutèrent Farô et suivirent sa voie, celle de Dieu lui-même, furent ses fidèles. Les autres, n’agissant que selon leur propre entendement, sont considérés comme des partisans de Mousso Koroni. Enfin Farô ne semble pas se mêler des actions des hommes. A ce titre, il a commandé aux Dyo qu'ils mènent les hommes à la perfection dans le but ultime d’assurer l'ordre de l'univers.

 

Les sociétés d’initiation - L'initiation des jeunes Bamana se pratique au sein d'associations appelées dyo baw. Elles sont au nombre de sept et dispensent, de l’âge de trois ans jusqu’à l’âge adulte, les aspects essentiels du savoir traditionnel. L’adhésion y est obligatoire. Ces sociétés dirigées par quelques anciens ont un caractère politique, économique, médical et exercent un contrôle social sur la communauté. L’initiation des hommes dure généralement sept ans et aboutit à leur mort et à leur renaissance symbolique. Elle se termine par de grandes fêtes masquées auxquelles participent les nouveaux initiés qui vont de village en village. Les initiés sont divisés en groupes. Chaque société a ses propres masques, ses cimiers de coiffure ou ses marionnettes. Ces masques apparaissent au moment des fêtes : à l'occasion d'un mariage, de l'inauguration d'un marché, ou sous un prétexte quelconque. Avec l'aide de la musique, de la poésie et de l'histoire racontée par les griots, ces fêtes constituent à la fois un divertissement et un rappel des valeurs sociales Bamana. Danser lors d'une fête est, pour un jeune garçon, l'occasion de montrer son habileté personnelle et d'acquérir un certain prestige. Mais il devra, auparavant, prouver son adresse et obtenir des anciens l'autorisation de se produire en public qui peut lui être refusée ensuite, si sa première performance a été jugée médiocre.

Les sociétés d’initiation sont placées sous l’égide de Farô et de deux animaux sacrés : Dyaturu fin, l’hyène mythique (elle incarne le mystère des origines, le savoir ‘noir’ profond et inaltérable), et Duga masa, le vautour divin (il représente la connaissance céleste et la lumière de la science). Trois types de masques mettent en scène ces animaux sacrés. Il s’agit, par ordre d’importance :

-          le korè : Septième et dernière société d’initiation Bamana, le korè transmet la quintessence du savoir, l’intelligence aiguë des choses, la connaissance réelle de Dieu. Les masques d’hyène, korè suruku, ‘hyène du korè’, symbolisent ici l’intelligence, la vigilance, la vitalité, la capacité d’écoute et la vision claire et profonde.

-          le Tyi Wara (voir plus bas)

-          le n’domo. Tous les garçons y adhèrent de sept ans révolus jusqu’à leur circoncision, vers l’âge de quinze ans. Le n’domo viendrait selon les uns de do mo, ‘pêche aux mystères’ des choses du monde, et selon les autres de don moo, ‘prémices de la connaissance’. Il dispense en effet un enseignement religieux, social, politique et économique de la société Bamana. Tout comme les autres sociétés d’initiation, il est placé sous le double patronage de Farô et de Suruku, l’hyène mythique, d’où son véritable nom n’domo suruku. Le dogme n’domo consiste en la récitation d’une multitude de chants et d’hymnes, tous en vers.

Par ailleurs, honoré et gardé dans le sanctuaire du village ou à ses limites, le boli est un objet dont les composants magiques sont cachés au centre d'un amalgame d'argile, de bois, d'écorce, de racines, de cornes, de mâchoires ou de métaux précieux. Il peut avoir forme humaine ou prendre celle d'un hippopotame. Il n'est manipulé que par le chef ou un dignitaire religieux ; il est "nourri" de sang et de bière de mil versés dans un tube qui le traverse de part en part. Ainsi les pratiques réellement spécifiques aux Bamana sont celles de sacrifices animaux pratiquées sur des objets de pouvoir que sont ces boli.

Enfin, les Bamana sculptent également de belles figures, moins naturalistes que leurs ‘maternités’, des statuettes représentant des jumeaux, des serrures de portes. Le système symbolique complexe des Bamana se reflète dans une production abondante, liée aux fonctions rituelles et de qualités esthétiques variables.